Gynécologie : ces examens intimes dont la douleur est ignorée

Publié par FF380052 le

Gynécologie : ces examens intimes dont la douleur est ignorée

Je continue ma collaboration avec la journaliste Valeria Lotti, qui rédige des articles entre autres pour Doctissimo, afin de parler du fabuleux (mais pas toujours rose) monde de la gynécologie et de la périnatalité ! J’ai eu la chance il y a quelques semaines de répondre à quelques questions au sujet des éventuelles douleurs subies par les femmes au cours d’un examen gynécologique. Encore trop souvent ces douleurs sont ignorées par certains professionnels de santé !!!  Je vous laisse découvrir cet article, que vous pouvez également retrouver ici 😉

 

 

Les examens gynécologiques rythment la vie des femmes et sont indispensables pour leur santé. Toutefois, ils sont souvent associés à un moment désagréable, de gêne et parfois de douleur. Celle-ci étant fréquemment banalisée lors de ces examens. D’autant plus, que ces dernières années, les témoignages autour des violences obstétricales se multiplient. Quelles sont les conséquences sur la santé des femmes ? Comment améliorer la situation ? Réponses avec Camille Carrel, sage-femme et sophrologue spécialisée en périnatalité à Grenoble.

 

 

Si tous les examens gynécologiques ne sont pas douloureux, il est évident qu’un rendez-vous chez le gynécologue représente rarement une partie de plaisir. Le confort et le bien-être de la patiente peuvent être négligés lors des consultations, entraînant un sentiment de vulnérabilité considérable. D’où vient cette négligence ? Voici quelques pistes explorées.

Pourquoi la douleur des femmes est-elle minimisée ?

Historiquement, la médecine a été dominée par des perspectives masculines, conduisant à une sous-évaluation de la douleur et de l’inconfort féminin. En parallèle, selon Camille Carrel, tout part également des menstruations. “Tant qu’il y aura une banalisation de la douleur des femmes lorsqu’elles ont leurs règles, la douleur dans le cadre d’une consultation gynécologique n’a aucune raison d’être prise en compte”, explique la sage-femme. “Il y a cette idée, que de toute façon les femmes souffrent tous les mois. On est dans la continuité de quelque chose qui est logique”, explique-t-elle.

Gêne et douleurs lors des examens gynécologiques : quelles sont les causes ?

Il y a un paramètre important à prendre en considération, lié à la pénurie de gynécologues. De ce fait, les consultations sont millimétrées. Des conditions qui ne permettent pas toujours de prendre le temps et de mettre à l’aise la patiente. Or, de manière très mécanique, le vagin ne peut s’ouvrir s’il n’y a pas un contexte de préparation et de mise en confiance en amont. “C’est bien le problème de l’examen gynécologique, puisque presque immédiatement il est demandé à la patiente de se déshabiller afin de procéder au toucher vaginal”, souligne la sage-femme. Ce qui peut être brutal.

Le toucher vaginal

Cet examen n’est pas censé être douloureux, mais sans une préparation adéquate, il va de soi qu’il puisse l’être puisque le corps est crispé”, ajoute la spécialiste. Ajoutons à cela que le fait d’être intégralement nue, de surcroît dans la position gynécologique, met la patiente dans une situation vulnérable où son intimité la plus profonde est exposée. “Ce qui n’aide pas le corps à se détendre”, précise Camille Carrel.

Le spéculum

Il arrive aussi que les instruments médicaux utilisés soient inadaptés. Peu de patientes savent qu’il existe des spéculums plus petits, par exemple. En cas d’inconfort ou de douleur, la patiente ne doit pas hésiter à en faire la demande. “Si le passage est forcé avec un outil inadéquat, le corps se contracte et se met en défense. C’est une réponse tout à fait normale du corps, un mécanisme de protection bénéfique”, note la sage-femme. La spécialiste explique également que dans certains pays, un miroir est donné aux femmes afin qu’elles puissent apprendre à positionner elles-mêmes le spéculum lors des examens gynécologiques. “Cela permet à la patiente de pouvoir procéder à son rythme, lorsqu’elle se sent prête. Plutôt que d’être passive, la femme est alors actrice”, souligne Camille Carrel.

La position gynécologique

Pour la petite anecdote, la position gynécologique remonte à Louis XIV. Il faut savoir qu’à cette époque les femmes accouchaient dans des positions beaucoup plus physiologiques, assises, accroupies ou à quatre pattes. Frustré de ne pas voir en détails ce qu’il se passait, le roi instaure une nouvelle posture d’accouchement : la position gynécologique.

Si elle est devenue la posture la plus courante, les femmes s’accordent à dire qu’elle est particulièrement gênante. Et bien qu’elle soit indispensable lors de certains examens, d’autres postures pourraient être envisagées. “Pour le toucher vaginal par exemple, le praticien n’a pas besoin de voir ce qu’il se passe”, explique la sage-femme. “On pourrait proposer aux femmes d’être examinées sur le côté. Cette posture où les patientes sont moins exposées est très répandue dans les pays anglo-saxons”, précise la sage-femme.

 

La pose de stérilet

Des examens sont réputés pour être désagréables, voire douloureux, comme la pose d’un stérilet. À l’issue de ce procédé, certains gynécologues disent à la patiente qu’il est normal de saigner. Un avis que la sage-femme Camille Carrel ne partage pas. “Non, ces saignements ne sont pas normaux. Il y a pu avoir une insertion intrusive, voire brutale, qui ne doit pas être sous-estimée”, indique-t-elle.

Quelles sont les conséquences sur la santé des femmes ?

Méthodes brutales, douleur ignorée, manque d’empathie, jugement… Il a été démontré que ces différents facteurs poussent les femmes à être moins sérieuses sur leur suivi gynécologique. “Certaines patientes ont été traumatisées par le monde obstétrical et ne veulent plus en entendre parler”, déplore la sage-femme. Heureusement, la libération de la parole des femmes a permis de constater que certains comportements dans le cadre des examens gynécologiques étaient anormaux.

Il est crucial, selon la sage-femme, de faire de la prévention et de sensibiliser sur la notion de consentement. “Je dis toujours, savoir c’est pouvoir. Il faut pouvoir informer les femmes, et notamment les jeunes filles, sur leurs droits”, insiste Camille Carrel. “La Loi Kouchner sur le consentement devrait être affichée dans toutes les salles d’attente. Un geste symbolique qui permettrait de redonner du pouvoir aux femmes”, souligne la spécialiste.

Promulguée le 4 mars 2002, la loi Kouchner stipule “qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment”.

Comment améliorer la prise en charge de la douleur lors des examens gynécologiques ?

Pour que ce moment soit le moins désagréable et le moins douloureux possible, plusieurs choses peu coûteuses peuvent être mises en place afin de favoriser le bien-être de la patiente selon la sage-femme :

  • Tamiser la pièce ;
  • Parler en même temps ;
  • Proposer à la patiente de mettre de la musique dans ses écouteurs ;
  • Proposer du spasfon avant la pose d’un stérilet ;
  • Proposer une bouillotte chaude à mettre sur le ventre ;
  • Mettre à disposition un drap ou un plaid. “Il permet non seulement de se couvrir, mais aussi de se sentir moins vulnérable”, précise la spécialiste.
  • Adapter la taille des outils, comme le spéculum. “Il faudrait pouvoir adapter le spéculum au cas par cas, notamment pour les femmes dont c’est le premier examen gynécologique et/ou qui n’ont jamais eu de rapports sexuels”, recommande Camille Carrel.

D’après la sage-femme, deux autres outils sont indispensables lors de n’importe quels examens gynécologiques :

  • Le peigne pour détourner le principe de la douleur. Serrer assez fortement un peigne dans la main permet de détendre les autres zones du corps, puisque la crispation est concentrée sur le peigne.
  • La sucette. Le fait d’avoir quelque chose dans la bouche la ramollit, ce qui détend tout le tractus digestif, mais aussi le tractus génital. “Nous, les sages-femmes, avons un vieil adage qui dit “bouche molle, col mou””, note Camille Carrel. “Le fait d’avoir la bouche molle permet de détendre tout ce qui se passe au niveau du périnée, du vagin et de tout ce qui entoure le col de l’utérus. C’est un bon outil lorsque l’on accouche. Un chewing-gum peut aussi faire l’affaire”, ajoute-t-elle.

Ces dispositifs simples pourraient considérablement améliorer la prise en charge de l’inconfort et de la douleur lors des examens gynécologiques. Toutefois, ceux-ci sont pour le moment peu proposés, même si les pratiques évoluent. “Par la force des choses, il y a une nouvelle génération de sages-femmes et de médecins qui est en train de naître, en accord avec la notion de consentement et la volonté de vouloir faire les choses bien. Mais ce n’est pas encore la norme, surtout en France. Nous sommes en retard par rapport à cela”, conclut la sage-femme.


SourcesEntretien avec Camille Carrel, sage-femme et sophrologue spécialisée en périnatalité.